Souvenirs d'un institueur(7)
J'étais contraint les fins de semaine de quitter cette solitude qui m'ebranelait. Je devrais plutôt me ressourcer. J'avais besoin d'une "quantité" infinie de patience. Ma "batterie" d'endurance devrait se recharger chaque "week-end".J'étais tanné des montagnes et les montagnes de Saghro étaient tannées de moi. J'ai parcouru longtemps la cime de long en large à la recherche d'un réseau optimal pour mon téléphone cellulaire et j 'avais besoin d' une nourriture psychologique vitale pour mon âme,en vain!
Quand j'atteingnais le sommet, je regardais loin à l'horizon. Je cherchais quelque chose de différent. Je cherchais une vie humaine qui briserait ma solitude et la soulagerait. Hélas, je ne voyais que les mêmes reliefs, les mêmes couleurs, les mêmes rochers sombres.
Le Douar "Aazoun" était mon objectif de préférence, ma destination la plus proche et la plus préférable.
Dans mon imaginaire, j'esquissais un portrait de l'instituteur dont j 'ai connu le prénom avant les traits du visage. Àbdel Latif, "serviteur du plus tendre" . Latif, c' est le tendre, le Clément, le bienveillant. Mon collègue devrait sûrement s'imprégner de certaines qualités que comporte son prénom. Tous mes espoirs s'étaient tournés vers ce collègue inconnu. J'avais hâte de le rencontrer et il me manquait même si je ne l'avais jamais connu! .
Chaque fois que je quittais mon douar, j'aimais escalader la montagne. Je jettais un dernier coup d'oeil vers mon petit "cube" de classe tout en murmurant des voeux d'Adieu jamais exaucés. Mon retour était inévitable, fatal comme la mort. Néanmoins, mon âme voulait vivre l'illusion d'un départ sans retour. Je me confondais avec cette illusion. Je jouais la comédie d'y croire. Tout se déroulait comme c'était ma dernière journée à Daouabid. J'avais pitié de moi.
... J'ai pris mon courage à mon cou, je suis parti sur le chemin d'Aazoun. Cette fois, j'avais choisi un raccourci traversant une vallée. Je n'avais interdit cette vue panoramique que je cherissais tant et j'ai soulagé mon âme. À cette vision scénique manquée, j'irai lui substituer un "long métrage", un vrai, en compagnie d'Abdel Latif.
Je suis arrivé après une belle marche et comme était grande ma stupéfaction tant que l'école avait connu un si grand changement. L'institutrice avait quitté Aazoun pour l'école centrale et elle avait été remplacée par un autre collègue. Par conséquent, c'étaient Àbdel latif et Soufiane mes hôtes. Nous nous sommes rencontrés. Nos âmes s'étaient confondues. C'étaient comme si nous etions rencontrés, il y a belle leurette ou si nous étions des adeptes de la transmigration des âmes, dans une autre vie.J'avais envahi avec fracas leur minuscule univers et j'étais aussitôt devenu l'un des leurs. Je ne savais pas ce qui était en train de m'arriver mais on dirait qu'un aimant nous attirait, nous autres enseignants. Il y avait entre nous une attraction naturelle, innée et le dicton"ton collègue est ton ennemi! " aurait vécu face à notre cohésion fraternelle.
Àbdel Latif était magnifique comme je l'avais imaginé. Il avait un visage "circulaire" dont les traits étaient géométriquement ordonnés. Il avait cette beauté qui dégage tendresse et sympathie. Ces yeux etincelaient d'un éclair attrayant dont l'attraction était amplifiée par ces lunettes si convenables à son visage jouflou. Ses cheveux épais et lisses lui octroyaient l'air d'une star du cinéma malgré sa taille moyenne. Tout ça te laisse croire que ce jeune s'était trompé de destination et que son erreur fatale l'avait propulsé dans les confins lointains de ce Maroc profond. Ce Maroc des dunes et des déserts, ce Maroc "inutile" que négligeaient jadis les français et que les bureaucrates de Rabat emboitaient le pas!(propos ajoutés par le traducteur)
Soufiane, de son côté, n'était pas moins magnifique. Je me souvenais encore de lui. Il était devant mes yeux à l'heure où j'écris ces lignes!. Ce gars avait un visage oval. Ses sourcils étaient épais et sa barbe soigneusement taillée. Sa corpulence mince et sa taille courte dessimulait une confiance parfaite en soi laquelle était nuancée d'une voix de ténor, forte et stridente. Soufiane avait un discours bien structuré, bien articulé et sa rhétorique était impeccable. Sa rationalité autant. Soufiane avait tous les ingrédients d'une personnalité équilibrée.l'enseignante,de sa part, s'était arrangée pour être mutée à l ' école centrale et c'était Soufiane qui l'avait remplacée. Celui-ci était en mission, une sorte d'emprunt ou de détachement d'un autre secteur scolaire. Ce professeur qui va laisser chez moi des souvenirs impérissables, avait travaillé dans des conditions semblables aux miennes, une affectation dans l'oubli et la solitude entre les cols des montagnes. Son Douar à lui s'appelait "Afourar". Il était dans une école où on devait escalader moyennant "becs et ongles", on dirait qu 'on sculptait dans la roche. Mais, il ne faut pas se laisser faire! . Soufiane avait entrepris des démarches auprès de la délégation provinciale. On l' avait redéploye à Aazoun. En principe, j'étais plus "ancien" et je méritais la place avant lui, mais dans ces coins perdus, la logique est la dernière des soucis de ceux qui décident de nos sorts. Pourtant, je n'étais pas jaloux de Soufiane. Je ne l'enviais pas. Au contraire, j'admirais sa ténacité et son obstination. Il aspirait à devenir un juge. C'était son "idée fixe" , son leitmotiv, sa passion, le rêve de sa vie!. Il avait déjà l'essentiel :une formation en droit mais sa voie avait plein d'embûches : obstacles bureaucratiques, l'autorisation de quitter le poste, les bonnes conditions pour voyager car les routes devenaient impraticables à la moindre pluie, l'aval du ministère de tutelle pour quitter l'enseignement pour la justice... Et surtout la transparence dans les évaluations et les délibérations! . Souvent, les concours n'étaient qu'une mascarade, une comédie de mauvais goût.
Àbdel latif, en ce qui le concerne, avait passé deux années consécutives à Daoubid (l'école où j'étais affecté pour la première fois). Il y' avait vécu la rusticité et la dureté bien avant d'en goûter à mon tour. Je ne remercie pas assez le bon Dieu d'avoir rencontré quelqu'un qui avait"dégusté "la même amertume, qui avait enduré les mêmes dépits que les miens. Il était avec son accent soussi( une région du Maroc dont l'accent" fait rire" d'autres marocains. Ses habitants sont de très habiles commerçants! )(traducteur) un beau parleur, un conteur né et je trouvais dans l'élan de sa parole un soulagement, une consolation, voire une guérison de cette tristesse profonde qui serrait ma poitrine. Je lui parlais du désespoir, il me parlait d'espoir. Je lui parlais de la nui, il me parlait du jour, je lui parlais du mal, il me parlait du bien,je lui parlais de haine, il me parlait d'amour. De la souffrance rejaillit une sagesse contagieuse et une solidarité indéfectible entre les enseignants. Face à mes doléances vis à vis l'échec dans la réalisation des objectifs fixés par ceux qui conçoivent les programmes, il était catégorique " si les élèves ne connaissent pas l'alphabet. Enseigne - leur l'alphabet. Rien n'est plus simple! Les niveaux, les objectifs, les programmes!. Tout ça, c'est de la paperasse, de la bureaucratie et un pur produit d'un système pourri de la tête à la pointe des pieds. Si la machine est obsolète, que puisse faire l'infime pièce pour en changer le fonctionnement?
Ô chers maîtres! Ne supportez pas l'insupportable. Ne vous assignez pas des tâches que vous n'êtes pas en mesure d'assumer. Nous sommes de simples éléments d'un gigantesque système multipartite, multidimensionnel, aux mille visages. L'enseignant qui n'est que le maillon le plus fragile de cette monstrueuse tentacule à été déjà déçu, trahi, berné. Il était livré à lui-même face à face aux niveaux multiples,aux programmes ingrats, aux conditions abominables. Rien à faire. Enseignez vos élèves le plus simplement possible! . Évitez les tirades magistrales stériles! . Soyez plus proches d'eux et à coup sûr, vous allez saisir leur intellect et éveiller leur esprit.
Entre Abdel Latif et Soufiane, je me suis retrouvé. J'étais entre de bons mains. On aurait dit que la providence m'avait envoyé deux anges gardiens, bienveillants et protecteurs. J'ai trouvé en eux, en quelque sorte, ma famille absente. Ils étaient un baume miraculeux les blessures dues à la solitude et l'isolement durant les longues journées de la semaine que je dois passer chez moi là bas à Daoubid dans cet exil qui s'était acharné sur moi comme une fatalité.
Quand j'atteingnais le sommet, je regardais loin à l'horizon. Je cherchais quelque chose de différent. Je cherchais une vie humaine qui briserait ma solitude et la soulagerait. Hélas, je ne voyais que les mêmes reliefs, les mêmes couleurs, les mêmes rochers sombres.
Le Douar "Aazoun" était mon objectif de préférence, ma destination la plus proche et la plus préférable.
Dans mon imaginaire, j'esquissais un portrait de l'instituteur dont j 'ai connu le prénom avant les traits du visage. Àbdel Latif, "serviteur du plus tendre" . Latif, c' est le tendre, le Clément, le bienveillant. Mon collègue devrait sûrement s'imprégner de certaines qualités que comporte son prénom. Tous mes espoirs s'étaient tournés vers ce collègue inconnu. J'avais hâte de le rencontrer et il me manquait même si je ne l'avais jamais connu! .
Chaque fois que je quittais mon douar, j'aimais escalader la montagne. Je jettais un dernier coup d'oeil vers mon petit "cube" de classe tout en murmurant des voeux d'Adieu jamais exaucés. Mon retour était inévitable, fatal comme la mort. Néanmoins, mon âme voulait vivre l'illusion d'un départ sans retour. Je me confondais avec cette illusion. Je jouais la comédie d'y croire. Tout se déroulait comme c'était ma dernière journée à Daouabid. J'avais pitié de moi.
... J'ai pris mon courage à mon cou, je suis parti sur le chemin d'Aazoun. Cette fois, j'avais choisi un raccourci traversant une vallée. Je n'avais interdit cette vue panoramique que je cherissais tant et j'ai soulagé mon âme. À cette vision scénique manquée, j'irai lui substituer un "long métrage", un vrai, en compagnie d'Abdel Latif.
Je suis arrivé après une belle marche et comme était grande ma stupéfaction tant que l'école avait connu un si grand changement. L'institutrice avait quitté Aazoun pour l'école centrale et elle avait été remplacée par un autre collègue. Par conséquent, c'étaient Àbdel latif et Soufiane mes hôtes. Nous nous sommes rencontrés. Nos âmes s'étaient confondues. C'étaient comme si nous etions rencontrés, il y a belle leurette ou si nous étions des adeptes de la transmigration des âmes, dans une autre vie.J'avais envahi avec fracas leur minuscule univers et j'étais aussitôt devenu l'un des leurs. Je ne savais pas ce qui était en train de m'arriver mais on dirait qu'un aimant nous attirait, nous autres enseignants. Il y avait entre nous une attraction naturelle, innée et le dicton"ton collègue est ton ennemi! " aurait vécu face à notre cohésion fraternelle.
Àbdel Latif était magnifique comme je l'avais imaginé. Il avait un visage "circulaire" dont les traits étaient géométriquement ordonnés. Il avait cette beauté qui dégage tendresse et sympathie. Ces yeux etincelaient d'un éclair attrayant dont l'attraction était amplifiée par ces lunettes si convenables à son visage jouflou. Ses cheveux épais et lisses lui octroyaient l'air d'une star du cinéma malgré sa taille moyenne. Tout ça te laisse croire que ce jeune s'était trompé de destination et que son erreur fatale l'avait propulsé dans les confins lointains de ce Maroc profond. Ce Maroc des dunes et des déserts, ce Maroc "inutile" que négligeaient jadis les français et que les bureaucrates de Rabat emboitaient le pas!(propos ajoutés par le traducteur)
Soufiane, de son côté, n'était pas moins magnifique. Je me souvenais encore de lui. Il était devant mes yeux à l'heure où j'écris ces lignes!. Ce gars avait un visage oval. Ses sourcils étaient épais et sa barbe soigneusement taillée. Sa corpulence mince et sa taille courte dessimulait une confiance parfaite en soi laquelle était nuancée d'une voix de ténor, forte et stridente. Soufiane avait un discours bien structuré, bien articulé et sa rhétorique était impeccable. Sa rationalité autant. Soufiane avait tous les ingrédients d'une personnalité équilibrée.l'enseignante,de sa part, s'était arrangée pour être mutée à l ' école centrale et c'était Soufiane qui l'avait remplacée. Celui-ci était en mission, une sorte d'emprunt ou de détachement d'un autre secteur scolaire. Ce professeur qui va laisser chez moi des souvenirs impérissables, avait travaillé dans des conditions semblables aux miennes, une affectation dans l'oubli et la solitude entre les cols des montagnes. Son Douar à lui s'appelait "Afourar". Il était dans une école où on devait escalader moyennant "becs et ongles", on dirait qu 'on sculptait dans la roche. Mais, il ne faut pas se laisser faire! . Soufiane avait entrepris des démarches auprès de la délégation provinciale. On l' avait redéploye à Aazoun. En principe, j'étais plus "ancien" et je méritais la place avant lui, mais dans ces coins perdus, la logique est la dernière des soucis de ceux qui décident de nos sorts. Pourtant, je n'étais pas jaloux de Soufiane. Je ne l'enviais pas. Au contraire, j'admirais sa ténacité et son obstination. Il aspirait à devenir un juge. C'était son "idée fixe" , son leitmotiv, sa passion, le rêve de sa vie!. Il avait déjà l'essentiel :une formation en droit mais sa voie avait plein d'embûches : obstacles bureaucratiques, l'autorisation de quitter le poste, les bonnes conditions pour voyager car les routes devenaient impraticables à la moindre pluie, l'aval du ministère de tutelle pour quitter l'enseignement pour la justice... Et surtout la transparence dans les évaluations et les délibérations! . Souvent, les concours n'étaient qu'une mascarade, une comédie de mauvais goût.
Àbdel latif, en ce qui le concerne, avait passé deux années consécutives à Daoubid (l'école où j'étais affecté pour la première fois). Il y' avait vécu la rusticité et la dureté bien avant d'en goûter à mon tour. Je ne remercie pas assez le bon Dieu d'avoir rencontré quelqu'un qui avait"dégusté "la même amertume, qui avait enduré les mêmes dépits que les miens. Il était avec son accent soussi( une région du Maroc dont l'accent" fait rire" d'autres marocains. Ses habitants sont de très habiles commerçants! )(traducteur) un beau parleur, un conteur né et je trouvais dans l'élan de sa parole un soulagement, une consolation, voire une guérison de cette tristesse profonde qui serrait ma poitrine. Je lui parlais du désespoir, il me parlait d'espoir. Je lui parlais de la nui, il me parlait du jour, je lui parlais du mal, il me parlait du bien,je lui parlais de haine, il me parlait d'amour. De la souffrance rejaillit une sagesse contagieuse et une solidarité indéfectible entre les enseignants. Face à mes doléances vis à vis l'échec dans la réalisation des objectifs fixés par ceux qui conçoivent les programmes, il était catégorique " si les élèves ne connaissent pas l'alphabet. Enseigne - leur l'alphabet. Rien n'est plus simple! Les niveaux, les objectifs, les programmes!. Tout ça, c'est de la paperasse, de la bureaucratie et un pur produit d'un système pourri de la tête à la pointe des pieds. Si la machine est obsolète, que puisse faire l'infime pièce pour en changer le fonctionnement?
Ô chers maîtres! Ne supportez pas l'insupportable. Ne vous assignez pas des tâches que vous n'êtes pas en mesure d'assumer. Nous sommes de simples éléments d'un gigantesque système multipartite, multidimensionnel, aux mille visages. L'enseignant qui n'est que le maillon le plus fragile de cette monstrueuse tentacule à été déjà déçu, trahi, berné. Il était livré à lui-même face à face aux niveaux multiples,aux programmes ingrats, aux conditions abominables. Rien à faire. Enseignez vos élèves le plus simplement possible! . Évitez les tirades magistrales stériles! . Soyez plus proches d'eux et à coup sûr, vous allez saisir leur intellect et éveiller leur esprit.
Entre Abdel Latif et Soufiane, je me suis retrouvé. J'étais entre de bons mains. On aurait dit que la providence m'avait envoyé deux anges gardiens, bienveillants et protecteurs. J'ai trouvé en eux, en quelque sorte, ma famille absente. Ils étaient un baume miraculeux les blessures dues à la solitude et l'isolement durant les longues journées de la semaine que je dois passer chez moi là bas à Daoubid dans cet exil qui s'était acharné sur moi comme une fatalité.
N. B
Soufiane (natif de Sidi Kacem) a réalisé son rêve. Il est devenu juge. Il n 'avait pas fini l' année scolaire en notre compagnie. J'aimerais que ces lignes aillent le rejoindre et que nos liens reprennent de plus belle. Je compte sur vous et vos partages pour le retrouver. Ne rechignez pas au partage!.Tout est devenu possible dans cet espace bleu.
Je salue aussi mon cher collègue et ami Àbdel Latif qui a pu lire, par coïncidence, ces souvenirs. Abdel Latif était un don du ciel et c'était cette merveilleuse trouvaille qui avait allégé l'emprise de mon chagrin.
Soufiane (natif de Sidi Kacem) a réalisé son rêve. Il est devenu juge. Il n 'avait pas fini l' année scolaire en notre compagnie. J'aimerais que ces lignes aillent le rejoindre et que nos liens reprennent de plus belle. Je compte sur vous et vos partages pour le retrouver. Ne rechignez pas au partage!.Tout est devenu possible dans cet espace bleu.
Je salue aussi mon cher collègue et ami Àbdel Latif qui a pu lire, par coïncidence, ces souvenirs. Abdel Latif était un don du ciel et c'était cette merveilleuse trouvaille qui avait allégé l'emprise de mon chagrin.
Par Youssef El Ansari
Traduit par :Mostapha Lotfi Glillah
Traduit par :Mostapha Lotfi Glillah
A SUIVRE